Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/01/2006

Tenir ses promesses, « Yakusoku o mamoru »

« Yakusoku o mamoru », Le Budô c’est cela, et uniquement cela.

Quand mon Shishô IKEDA Shigéo Sensei m’a enseigné cela il y a bien des années, j’avais déjà en moi cette conviction, mais il m’a fallu plusieurs années pour en comprendre l’importance et le véritable sens.

J’ai longtemps cru que « tenir ses promesses » et « respecter sa parole » avait la même signification, mais il n’en est rien. Les promesses les plus difficiles à respecter sont celles qu’on se fait à soi même, sans autre témoin que son propre cœur, sa propre conscience.

Il est parfois très difficile d’expliquer cela dans un monde où la plupart des personnes avec lesquelles nous vivons ont du mal à respecter leurs propres engagements écrits, et signés en présence parfois de témoins. Ne pas céder à la tentation d’en faire de même est la seule réponse possible à de telles attitudes, même si parfois il reste en bouche un goût d’amertume qu’il est difficile de faire partir.

Ma vie est depuis longtemps résolument tournée dans cette direction, et j’ai petit à petit appris à vivre avec toutes ces promesses que j’ai en moi, et qui n’ont d’existence que pour moi. Quand on sait que le terme « Yakusoku » signifie aussi « Rendez-vous » en japonais, on peut comprendre la complexité du respect de cette démarche.

Dès qu’on s’engage dans le Budô, on adhère d’abord à cette valeur qui en représente l’essence, et le Shishô, qui est le garant de la transmission, ne peut accepter de défaillance importante en la matière sans en tirer de conséquences. Dans les cas graves le Deshi sera purement et simplement rejeté du groupe « Ha mon ».

Quand on exerce ce type de responsabilité, il est toujours difficile de prendre ce type de décision et quoiqu’on fasse, le cœur en reste meurtri à jamais, car on se sent toujours responsable de ne pas avoir su déceler plus tôt que le Deshi ne serait pas capable d’assumer ses propres choix de vie.

Ma quête d’une progression infinie…

Classez les pratiquants d’un art, fut il martial, en niveaux supérieurs ou inférieurs n’est pas conforme à mon approche de l’art où la problématique se situe dans la recherche d’une vérité derrière une apparence, et ou chacun des « artistes » apporte quelque chose de lui dans cette démarche.A qui viendrait-il à l’idée de dire que Picasso était supérieur à Michel ange, que Mozart l’était à Chopin, ou Baudelaire à Apollinaire ? Ou de les classer en leurs donnant des rangs ?Qui oserait se prononcer sur les niveaux de  MIYAMOTO Musashi, SASAKI Kojiro ou SAKAMOTO Ryoma ?

Comme je l’ai longuement exposé dans une autre note, la technique n’est qu’un support, un moyen de se construire. Donner une note à la technique, c’est passer à coté de l’essentiel en faisant croire aux pratiquants que leurs efforts doivent se réduire aux éléments qui servent à les noter.Cette attitude est parfaitement concevable dans le cadre de la pratique d’un sport ou est évaluée la performance physique, mais absolument pas dans celle du Budô.

Ce qui est condamnable, c’est l’ambiguïté savamment entretenue dans certains groupes qui laissent à penser que l’attribution de ces niveaux techniques s’accompagne d’une reconnaissance simultanée d’un niveau « spirituel ». Il n’en est rien bien sur, mais pour des néophytes l’affaire est entendue.

Si la progression dans le Budô passe au début de sa vie par la recherche de l’excellence de la technique, il faut bien reconnaître qu’il est nécessaire de le faire le plus vite possible pour se servir au mieux de ce support qui bien vite vous abandonne avec les années qui passent. Mais si la transmission a été bien faite, vous vous apercevez un jour que vous avez simplement changé de support, et que votre progression dans l’amélioration du « Kokoro » s’envole vers l’infini…

Dans ce contexte le niveau de chacun ne peut être que subjectif, de la même façon que l’on est libre de penser que tel ou tel artiste est le meilleur dans son domaine.

Le désir des hommes à accéder au pouvoir, si petit soit-il, les amène à vouloir se noter à l’aide d’échelles objectives pour se comparer les uns aux autres, et fixer ainsi, sans ambiguïté et sans remise en cause possible, les conditions de leur vie dans le groupe auquel ils appartiennent.Dans ce cadre là, réduire une pratique à la technique est rassurant car cette attitude évite de se poser les véritables problèmes liés à la transmission. Personne ne doit pouvoir s’intercaler entre le Shishô et le Deshi, et en tout cas pas des structures qui viendraient superposer une relation hiérarchique artificielle  à celle qui existe nécessairement  entre le Shishô et le Deshi et qui est une relation basée sur un respect, une confiance mutuelle, et une acceptation librement consentie qui repose sur la conviction d’un enrichissement réciproque.

Malheureusement, nombreux sont ceux, qui ont cru progresser sur la voie du Budô en se voyant progresser sur celle de la technique prise comme une finalité. Ils se sont fait abuser par l’octroi de niveaux techniques supposés être porteurs d’autres choses qui n’ont jamais existé, et se retrouvent abandonnés avec les années par cette même technique, mais restent détenteurs de diplômes sanctionnant un niveau qu’ils n’ont plus depuis longtemps.Indépendamment du caractère inutile et incohérent de ce type de niveaux dans un contexte d’apprentissage du Budô, il faut souligner que le classement en échelles fermées aux extrémités limite la progression en laissant penser que l’accession au niveau supérieur est le but a atteindre.

Ma quête est celle de mon Shishô IKEDA Shigéo Sensei, c’est celle qui me permet de croire que tout est accessible même l’impossible.

L’ambition de chacun doit être d’accéder et de dépasser le niveau de nos anciens et de nos Shishô, car c’est la seule façon de les remercier de ce qu’ils ont donné. Je m’y attache et aident mes Deshi à marcher dans cette voie. Le Shishô est un guide et à ce titre se doit d’être le garant d’une vraie progression.